Lors d’un de mes premiers Halloween ici je me souviens que Benoît était arrivé le matin entièrement recouvert d’un simple drap blanc. Avec sa grande silhouette, il dessinait une figure impressionnante dans le lobby et sur le trottoir. Contrairement à aujourd’hui où sa présence quotidienne à l’accueil est une certitude rassurante, on ne s’attendait pas forcément à le voir là, d’autant que nous étions en plein COVID et que l’heure était à garder prudemment ses distances.
Si bien que beaucoup d’enfants, même s’ils savaient bien que ce jour-là tout le monde était venu déguisé, avait du mal à identifier qui se cachait derrière ce fantôme immense. Au point que certains commençaient à se demander si ce n’en était pas un vrai, finalement, de fantôme. Au point que certains commencaient à rire jaune et n’en menaient pas large. On lisait clairement un grand soulagement dans leurs yeux quand Benoît leur révélait qui il était vraiment
Benoit, je vous l’ai annoncé ici, rentrera à Bruxelles dans quelques semaines. Il laissera sur l’école une marque indélébile et une litanie d’accomplissements peinera à lui faire justice. Je citerai quand même, au risque d’en oublier, la réorganisation des emplois du temps de l’élémentaire, l’accompagnement et l’orchestration du travail autour des classes flexibles avec toujours comme ancrage premier l’idée d’individualiser les apprentissages, l’animation et l’amélioration de nos assemblées mensuelles qui sont aujourd’hui grâce à lui devenu des rituels indiscutables et attendus de tous, la mise en place d’un club de débat dont nous avons pu voir encore récemment et justement lors d’une assemblée toutes les compétences travaillées.
Au-delà de ces réussites, bien réelles, son plus beau succès aura été de faire l’unanimité autour de son équipe d’enseignants. La qualité de son écoute, sa disponibilité, son humilité face à l’ampleur du métier d’enseignant qu’il connaît comme sa poche, son niveau de réflexion théorique, son calme imperturbable ont séduit tous les collègues, français comme américains, et nous éprouvons tous beaucoup de tristesse à le voir partir.
En tant que chef d’établissement, son rôle à mes côtés a été essentiel : il a articulé tous les jours l’esprit que je souhaite insuffler à l’école, il a traduit mes intuitions en actions concrètes, j’ai pu m’appuyer sur son expertise et sa connaissance encyclopédique des programmes et des attentes, il a eu la patience de lire entre mes lignes, de cadrer mes projets parfois un peu fous et de m’écouter parler de The École, encore et encore, sans relâche – à tel point que j’espère que ce n’est pas moi qui l’ai fait partir au bout du compte, à force de discours et de conversations impromptues. Il va me manquer.
Alice, sa fille qui termine sa 5ème, va nous manquer. William qui est à Léman en 3ème mais qui passe souvent nous voir va nous manquer. Kate son épouse va nous manquer. Il va nous manquer. Nous le lui disons tous les jours pour être sûr qu’il nous croit et qu’il sache qu’on ne dit pas ça juste comme ça. Nous aurons encore l’occasion de lui dire pendant deux semaines – faites-le, à chaque occasion qui se présente (cela le gênera beaucoup car il est timide et discret et qu’on aime bien l’embêter un peu quand même).
Sophie prendra sa place à la rentrée prochaine, elle sera formidable et elle pourra compter sur nous tous, bien sûr, mais aussi sur Benoît dont la gentillesse, le talent et la générosité continueront longtemps de hanter nos couloirs.