L’un des avantages de grandir dans un petit village était sans doute de pouvoir partir tout seul de l’école très jeune et de rentrer à la maison à vélo (sans oublier de prendre la baguette sur le chemin). Pas besoin d’inscrire une nanny sur Focus, d’appeler en catastrophe une copine pour expliquer qu’on est coincé dans une réunion qui s’éternise ou piégé dans un métro qui n’avance pas.  Pas besoin d’un air tag pour s’assurer que les enfants ont pris la bonne route.

D’un autre côté, on manque, sans vraiment le savoir, de beaucoup de choses. Par exemple, sans en garder un souvenir exact, il me semble que j’étais déjà un jeune adulte la première fois que j’ai mangé chinois (et un adulte un peu moins jeune quand je me suis rendu compte rétrospectivement que j’avais en fait mangé vietnamien). C’est donc avec grand plaisir – et gourmandise – que je me suis régalé de voir les enfants de la maternelle au collège ce mercredi se précipiter sur les stands du monde entier pour y goûter ce que les parents (et les tantes) avaient concocté pour eux. Avec plus de 30 pays représentés la diversité de notre école était ainsi à l’honneur et donnait ainsi l’opportunité à nos élèves d’apprendre par les saveurs, les textures et les couleurs les spécialités culinaires du monde entier.

Il n’aura je crois échappé à personne que cette ouverture à l’autre sur le mode quasi anodin de la nourriture représente en fait bien plus que cela. D’abord ce festival c’est un moment qui nous rassemble et qui fait participer, ce n’est pas si fréquent, tous les élèves de l’école et les parents volontaires. C’est un moment de partage et de générosité et je voudrais vraiment remercier ceux et celles qui ont donné de leur temps pour cuisiner, préparer des affiches, expliquer et qui ont mis les petits plats dans les grands pour que les enfants soient comblés (et repus – car malgré nos appels répétés  à la modération certain(e)(s), à commencer par les collégiens, se sont faits de bien grandes assiettes !). C’est aussi un moment de bonne humeur pendant lequel nous avons pu prendre le temps d’échanger – j’ai d’ailleurs bien noté l’idée de proposer – pour les grands seulement – un festival parallèle avec cette fois les boissons au programme! En tout cela, c’est un moment qui nous ressemble et qui participe de notre identité. J’étais heureux d’entendre dès la fin de la journée que l’on se projetait déjà sur l’année prochaine : le rendez-vous est déjà pris (pour la date exacte, n’hésitez pas à demander à Andria ; je ne serais qu’à moitié surpris si elle se trouvait déjà sur son agenda !)

Sur un plan personnel, je sais bien, j’en suis conscient tous les jours, qu’avoir grandi loin de cette diversité est une richesse qui m’a manqué. Mon parcours personnel est marqué par cette soif d’aller vers l’autre et l’ailleurs. New York en ce sens m’offre des possibilités inégalables et quasi infinies de découvrir de nouvelles cultures ou de retrouver, l’espace de quelques heures,  celles que j’ai croisées sur mon chemin. Et je souhaite continuer à apprendre. Je ne me fais aucune illusion sur mes points faibles, mes biais, ou les fausses certitudes que je peux encore avoir. De vous tous, parents, collègues et enfants, j’apprends chaque jour de nouvelles choses – mercredi sous la forme d’un dessert qui m’était inconnu ou d’une texture inédite – mais depuis quatre ans, au quotidien vous me nourrissez de tant d’autres choses. Je tire de cette force que vous me donnez l’énergie (j’allais dire les calories !) nécessaires pour faire de cette école elle aussi un lieu nourrissant, un lieu de partage et de générosité, un lieu de bonne humeur, en bref une table commune à laquelle chacun.e a envie de s’asseoir et sait qu’il/elle y sera reçu(e) comme un(e) ami(e).