En France nous avons des ponts. Je ne parle pas des structures qui nous permettent de passer d’une rive à l’autre – des ponts comme cela nous en avons aussi bien sûr, certains sont même célèbres comme celui d’Avignon, on y danse, on y danse (même si celui-la ne permet plus en fait de traverser le fleuve). Non, les ponts dont je parle, ce sont les ponts symboliques qui permettent de relier un jour férié à un week-end. Par exemple, si le jeudi est un jour de vacances, on fera le pont en ne travaillant pas non plus le vendredi.
Parti de France depuis presque 20 ans, cette histoire de ponts m’est revenu d’un seul coup hier à l’aéroport de Toronto quand notre vol a été retardé et que la perspective de rentrer sur New York à une heure décente s’est peu à peu envolée. Pourquoi, pensai-je, ne pas faire le pont demain et retrouver tout le monde frais et dispo lundi prochain ?
Et bien parce que tout simplement c’ est impossible !
D’abord parce que depuis le début de l’année The École offre le petit déjeuner à toute l’équipe tous les vendredis et que nous sommes donc accueillis à notre arrivée par l’odeur du café et des viennoiseries – une nouvelle tradition que je ne manquerai sous aucun prétexte. Le vendredi c’est aussi le jour des maisons et le jour où nous découvrons leurs scores, affichés sur l’écran dans le lobby du batiment de l’élémentaire et du college. Il s’agit là encore d’un nouveau rendez-vous, déjà très attendu des élèves (la maison Rouge a viré en tête ce matin). Le vendredi, ce sont des parents de l’élémentaire soulagés qui retrouvent au Lost and Found la quatrième veste abandonnée par leur enfant. C’est Fawzia qui souhaite à chacun un Happy Friday. C’est aussi pour moi le moment de m’asseoir et de rédiger ce courrier hebdomadaire.
Je ne sais pas combien de mes collègues croisés à Ottawa sont aussi contents que moi de retrouver leur école après quelques jours d’absence. Diriger une école est un métier parfois difficile, souvent épuisant, il nous faut quotidiennement trouver l’équilibre entre proposer une expérience et une offre pédagogique qui enthousiasment notre communauté entière tout en répondant aux besoins de chacun de ses membres. Soutenir nos élèves, accompagner les professeurs, rassurer, convaincre, organiser, prendre des décisions (et celles-ci on le sait, déçoivent invariablement au moins une partie de ceux qu’elles impactent). On peut parfois, face à l’ampleur de la tâche, je le comprends, avoir envie de faire le pont.
En arrivant ce matin, j’étais fatigué et mon Citibike me semblait peser une tonne. Sous le ciel gris, la 6ème Avenue, jonchée de détritus, n’avait pas l’air en grande forme non plus. C’est seulement en arrivant à The École que j’ai repris instantanément des forces – il y a chez nous une énergie et un dynamisme qui me porte. C’est vrai tous les jours mais j’avais bien besoin ce matin de retrouver tout le monde pour me donner du courage.
Merci à vous tous et toutes pour ce que vous m’apportez.