Il y a quelques années de cela, l’un de nos professeurs sur le départ – l’immense Vincent qui enseignait en CP pour ceux qui étaient là – m’avait fait quelques remarques qui m’avaient à la fois marqué et touché lors de son exit interview (typique de Vincent : cet entretien aurait dû lui être consacré mais il préférait qu’on parle des autres). Il m’avait entre autres dit que j’étais le plus pertinent dans mes réflexions lorsque je parvenais à me mettre à hauteur d’enfant.
C’est à la fois un joli compliment et un défi difficile à relever au quotidien tant il est aisé de se retrouver englouti sous la paperasse administrative, les soucis logistiques, les questions financières ou stratégiques ou les petits tracas d’adultes que le quotidien peut charrier avec lui. Je repense souvent aux mots de Vincent et ils agissent comme un électrochoc quand je réalise d’un seul coup que je passe trop de temps dans mon bureau ou quand il m’arrive de me prendre trop au sérieux. Mets toi à hauteur d’enfants, bon sang !
Récemment cela a consisté à poursuivre ma réflexion – en réalité une réflexion résolument collective avec Ben, Dara, Katie, Sophie et Stéphanie – sur l’accueil des nouveaux élèves. Qu’est-ce que cela signifie pour un enfant d’arriver à The École, que voit-il que nous ne voyons plus, que ressent-elle qui nous reste caché ? De quoi auraient-elles besoin ? Qu’est-ce qu’ils voudraient de plus ? Les Friendly Falcons mis en place cette année constituent un élément important de réponse et nous avons déjà pu mesurer leur potentiel pour les années à venir.
Pour autant, malgré l’incroyable attention portée par tous les personnels, malgré un accueil presque toujours à bras ouvert des autres enfants de la classe, arriver dans une nouvelle école – même The École – peut être ardu. Les raisons en sont multiples : les anciens camarades nous manquent, on éprouve des difficultés en français ou en anglais, les choses, tout simplement, se passent différemment qu’avant, si bien qu’après des premières semaines parfois euphoriques, il se peut que pour certain(e)(s) au moins l’arrivée de l’automne signale une période plus complexe.
Bien entendu, nous y sommes préparés, nous restons vigilants, nous anticipons et sommes prêts à accompagner les enfants s’ils se retrouvent dans une passe un peu moins rigolote. Mais il faut bien l’avouer, parfois nous ne comprenons pas exactement ce qu’il se passe et c’ est à ce moment là que la tentation est grande de parler de tendances inévitables et sur lesquelles on ne peut finalement pas pleinement agir. Et c’est là exactement qu’il faudrait avoir le pouvoir quasi magique de se mettre à hauteur d’enfants pour voir à quoi cela ressemble The École vue comme ça et essayer de trouver des solutions.
Il y a quelques jours, justement parce que sais que la période peut être difficile, je demandais au papa d’Arthur en CE2 et de Stanislas en Grande section, nouvellement arrivés de France, s’ils étaient heureux à l’école et si leur intégration se déroulait bien. J’étais heureux d’apprendre que oui même si bien sûr c’était un peu difficile en anglais. Stanislas avait réussi à mettre des mots pour décrire ce qui lui arrivait: “mon corps ne comprend pas que je suis à New York, il parle la mauvaise langue”.
Je n’avais pas entendu quelque chose d’aussi beau depuis bien longtemps et c’est un rappel que Vincent avait raison, c’est à hauteur d’enfant qu’on est le plus pertinent et c’est en les entendant mieux qu’on trouvera les meilleures réponses.