Je le répète très souvent mais l’une des choses les plus passionnantes et les plus complexes dans notre travail à The École est de naviguer les questions interculturelles. Ma carrière à l’international a contribué à m’y préparer : après par exemple 7 ans dans une école franco-britannico-allemande à Taïwan – un grand écart permanent pour se faire entendre et comprendre les attentes de l’autre – j’ai pu penser que tout serait plus simple dans une école franco-américaine à New York.
J’avais globalement raison même si nous ne parlons pas toujours de la même chose quand nous pensons parler de la même chose. Pour décrire un mot anglais qui ressemble à un mot français mais qui n’a pas le même sens (comme to cry qui ne veut pas dire crier ou eventually qui ne veut pas dire éventuellement), on parle de faux amis. Cela ne veut évidemment pas dire que les français et les américains sont de faux amis mais certainement ce sont des amis qui doivent prendre le temps de s’écouter avec beaucoup d’attention !
Dans le domaine scolaire, il m’a fallu longtemps pour comprendre que quand je parle de curriculum (qui est en fait pour moi une traduction du mot programme), ce que mes collègues entendent c’est en fait une méthode. Par exemple, les Alphas sont une méthode (un curriculum) que nous utilisons pour l’apprentissage de la lecture en français dans le cadre des programmes (les standards attendus des élèves) de l’Education Nationale française. Ce flou dans l’équivalence des différents termes est renforcé par le fait que côté français on utilise finalement très peu de méthodes (en partie parce que les professeurs sont formés à créer leurs propres supports de cours) là où nous en sommes plus friands sur la partie américaine (les ateliers de lecture et d’écriture sont ainsi une méthode qui nous sert à atteindre les standards attendus des élèves).
J’espère que je ne vous ai pas trop perdu. Et si c’ est le cas cela illustre bien un fait tout simple : nous réfléchissons à partir de ce que nous connaissons, nous traduisons des réalités, nous découpons et organisons le mode selon des critères qui nous sont propres et nous avons souvent le tort de penser que ces critères sont universellement partagés. Parfois nous trouvons des solutions grâce au langage, parfois le langage nous fait défaut : il n’y a pas de mot de mot français pour dire feedback et ce n’est pas un hasard – je le fais déjà d’ailleurs remarquer dans le podcast French Expat. Un français vous dira qu’il comprend intuitivement ce qu’un américain entend par feedback. Mais est-ce que c’est vraiment le cas ? Est-ce que nous parlons vraiment de la même chose ?
Dans le cadre des rencontres parents-professeurs qui ont eu lieu vendredi et lundi dernier, nous nous posons constamment la question. Nous percevons parfois dans les réactions des familles qu’elle n’est pas réglée : si les commentaires sont très positifs, on nous reproche d’être trop américains – en plaisantant bien entendu mais c’est tout de même symptomatique. Si nous sommes un peu plus circonspects, nous prenons le risque de déclencher de l’inquiétude là où nous voyons un enfant en train de progresser à son rythme.
Face à ces questionnements et ces différences, notre réponse sera toujours la même et elle se nourrit de toute la force de nos deux cultures : notre expertise professionnelle au service des apprentissages des élèves et notre volonté incomparable de les voir s’épanouir.