J’apprends chaque jour. De mes collègues, des enfants, des familles. C’est quelque chose dont je suis heureux et qui rend mon travail passionnant, c’ est une chance inouïe. Parfois j’apprends des choses dont j’ignorais jusqu’à l’existence, souvent j’apprends des choses que j’aurais dû sans doute savoir, d’autres fois encore des choses que j’ai sues mais trop vite oubliées. Par exemple, puisque cela fait dix ans que je le fais, on pourrait penser que préparer une nouvelle année scolaire coulerait de source. Après tout, ne s’agit-il pas de refaire toujours un peu la même chose ?
Dans son “Gai savoir” Nietzsche nous propose la redoutable expérience de pensée suivante : et si nous devions vivre notre vie des milliers de fois sans qu’elle ne change, tout s’y déroulerait exactement comme la fois d’avant. Comment réagirions-nous face à ce qu’il nomme l’éternel retour? Sa réponse est que nous apprendrions aimer le destin.
Mais Nietzsche n’était pas chef d’établissement et son expérience de pensée se heurte à quelques obstacles sérieux dans le cadre d’une année scolaire. Il a cependant raison sur un point, c’ est que le temps n’est pas linéaire. Ce que j’ai appris cette année – et pourquoi cette année plutot qu’une autre je serais bien incapable de le dire – que j’aurais sans doute dû déjà savoir, que j’ai sans doute su mais oublié c’est que le temps scolaire s’arrête en juin. Et que lorsqu’il reprend en septembre, nous n’avons pas avancé de trois mois mais qu’on a au contraire reculé les horloges de plusieurs mois. Le professeur de CP qui avait terminé l’année avec des élèves prêts à rentrer en CE1 la recommence avec des enfants qui arrivent de maternelle.
C’est une évidence (je le sais, je le savais j’aurais dû le savoir) et pourtant. Pourtant on a tendance à planifier l’année en se basant sur le présent. On se mesure à ce que nous avons sous les yeux. On construit en un mot sur l’acquis. Si bien que la préparation d’une rentrée est en soi aussi une sorte d’expérience de la pensée, l’expression toute théorique d’un savoir-faire qui s’est pourtant empoigné toute l’année avec le réel.
C’est la raison pour laquelle les rentrées sont si épuisantes, pourquoi elles nous vident de notre énergie et nous laissent sans ressort. Il nous faut énormément de force collective, de la part de chacun.e pour que l’édifice tienne. Tout le monde doit faire des efforts supplémentaires pour que ce qui n’est encore qu’une idée prenne forme et vive.
Les vacances de cette semaine sont donc bien méritées et arrivent à point nommé. Les élèves ont beaucoup donné et je les en félicite. Les professeurs ont été formidables et certains en ont perdu la voix. Quant à moi, excellente nouvelle, je pourrais à nouveau enfiler mon costume de mariage. C’est qu’il a fallu reprendre son rythme, mettre au point, aligner et re-aligner, modifier, ajuster. Il a fallu en quelque sorte se mettre au diapason d’une année qui a recommencé pas du tout comme elle s’était terminée. Il fallait bien s’y attendre, c’était inévitable, et pourtant…
Je vous souhaite à tous et toutes une belle pause et des vacances pleines de joies. De nombreux élèves viendront à l’école pour participer au camp et je sais que toute l’équipe de Miriam s’en réjouit à l’avance.