J’aime à le dire, l’école se doit d’être pour ses élèves une machine à fabriquer des souvenirs. Pour ses élèves certes, mais pas seulement : les grands ont quand même le droit eux aussi de vivre des moments qu’ils garderont longtemps avec eux ! Ce que je cherche à faire depuis que j’ai commencé dans ce métier c’est de contribuer à organiser des projets motivants pour les enfants tout en m’amusant le plus possible. Cela a toujours été pour moi la recette du succès et c’est sans doute pour cela que je prends autant de plaisir à faire ce métier encore aujourd’hui.
J’ai eu la chance en 25 ans de carrière de créer pour mes élèves et moi-même beaucoup de souvenirs. Les premières Nuits du c0de, des voyages inoubliables à DC et à Istanbul avec mes élèves de Rome, les spectacles à Shanghai, les premières cérémonies du baccalauréat à Taiwan, tous ces moments ont laissé des traces indélébiles. Avec l’expérience, j’ai appris – et continue d’apprendre – que ce type de souvenirs ne naît pas seulement dans l’ambition d’un projet ou dans la longueur d’un voyage. On ne les trouve pas uniquement dans l’extra-ordinaire d’un événement ponctuel mais ils viennent se nicher tout aussi bien dans le quotidien de l’école, dans ces choses toutes simples que l’on met en place pour les élèves et qu’ils s’approprient pour les transformer en quelque chose d’infiniment plus grand, d’infiniment plus beau.
Il y a quelques semaines, l’une de nos élèves ambassadeurs – un groupe de volontaires formé par Mireille pour nous assister lors de certaines réunions formelles avec nos familles – répondait à un parent inquiet de la relative petite taille de notre collège, que “cette année on n’a pas cette impression car c’est un peu comme si on était tous dans la même classe”. Derrière cette petite phrase – que je suis très jaloux de ne pas avoir trouvée moi même par ailleurs ! – se cache le travail que nous menons depuis le début de l’année avec la mise en place des assemblées. Celles-ci sont rapidement devenues pour moi une source de joie hebdomadaire, plein de moments de pur bonheur.
Tous les vendredis en effet de 15h à 15h45, tout le collège (les 49 élèves) se retrouve dans la salle de théâtre pour terminer ensemble la semaine. On y passe en revue le calendrier des événements afin que les élèves comprennent bien tout ce qui se passe et puissent s’impliquer s’ils le souhaitent, on y prépare les futurs événements comme les boums ou la prochaine soirée cinéma, on aborde parfois des sujets plus compliqués (le cyber harcèlement récemment, ou encore le conflit entre Hamas et Israël), on s’informe sur les différentes fêtes que certains d’entre nous ne connaissons pas bien (C’est quoi Diwali ? C’est quoi Rosh Hashanah ?). On célèbre les anniversaires, les réussites de chacun.e, on fait parfois un petit jeu et nous terminons toujours par un moment de gratitude. Au début, je remerciais ou félicitais certain.es au nom de l’équipe pédagogique mais très vite les élèves ont souhaité prendre le relais : ils se remercient entre eux, racontent par exemple des anecdotes touchantes sur leurs difficultés et comment un copain ou une copine les a aidés. Ils remercient des gens qui ne sont même pas dans la salle.
Depuis quelques semaines, je ne présente même plus les assemblées qui sont entièrement prises en charge par les élèves. On apprend à s’écouter, à distribuer la parole, à parler clairement pour être bien entendu. On apprend à prendre du plaisir à vivre et à travailler ensemble, à se retrouver et à partager.
On part en weekend le cœur tout chaud de ces petits moments de rien du tout mais qui sont si précieux – les élèves ne s’en rendent peut-être pas toujours compte mais, je peux bien vous le dire, ils s’en souviendront très longtemps.