Lorsque j’ai pris à Taipei l’habitude d’écrire chaque semaine à la communauté de mon école d’alors c’est parce que j’étais – et je le reste encore à ce jour – convaincu qu’il est essentiel qu’une école quelle qu’elle soit raconte son histoire. Parce que j’aime écrire, cette histoire, notre histoire, prend des détours parfois personnels et emprunte des chemins variés qui interrogent, surprennent et, je l’espère, font réfléchir. Je la raconte aussi souvent aux parents qui viennent à notre rencontre dans l’optique de nous confier, peut-être, leur enfant.
Je leur parle de la croissance de nos effectifs qui touchera très bientôt à sa fin. Je veux continuer à connaître le nom de tous les enfants qui arrivent le matin, et le nom de tous leurs parents, parfois de leurs grands-parents ou de leur nanny. Je leur parle, les deux sont liés, de nos locaux que nous améliorons sans cesse en repensant les espaces et en les rendant davantage multi usage. Je sais que pour ceux et celles qui la connaissaient la conversion en deux salles de classe de la salle de sport/récréation au 3ème étage du bâtiment de l’élémentaire et du collège pose question. Nous y avons répondu en louant des espaces sportifs à Baruch et en reconfigurant notre ancienne salle de cantine.
Je leur parle de l’ambition de notre curriculum pour allier si bien deux traditions éducatives aussi riches que différentes et “fabriquer” des enfants qui ont à la fois des savoirs et des savoir-faire, des jeunes gens brillants et engagés, confiants et cultivés. Je leur parle de mon parcours, similaire à celui de millions d’élèves français qui ont dû, toujours, utiliser la voix passive pour ne pas dire “je” dans leurs dissertations – car à ce “je” là on ne demande pas tant son avis mais plutôt à décrypter la pensée d’un autre. Cet effacement du “je” est en contradiction complète avec un système américain qui le promeut, l’encourage, le pousse à se mettre en avant. Dans ces deux versions si éloignées de l’utilisation du “je” on comprend en un instant les bienfaits et les possibilités infinis d’un système bilingue comme le nôtre : permettre la pleine expression de sa personnalité sans renoncer à comprendre l’autre, s’inspirer de la culture des belles lettres, de la culture et des savoirs pour agir avec assurance sur le monde.
Je leur parle enfin de qui nous sommes, de cette communauté qui a fait le choix de The École, des liens qui nous unissent et du plaisir que nous prenons à voir ensemble grandir les enfants. Des professeurs formidables que nous avons accueillis cette année, des projets qui nous motivent et nous enthousiasment, de notre envie de re-trouver une place pour nos familles après deux années de COVID. Je leur parle aussi de notre joie d’accueillir de nouvelles familles et de la peine que nous avons quand d’anciennes s’en vont et du vide qu’elles laissent.
Parfois j’ai l’impression de vous être un peu infidèle et de leur en dire finalement plus à eux qu’à vous – Pourtant je n’ai que quelques minutes et il me faut être concis quand j’ai le privilège de pouvoir m’adresser à vous chaque semaine. Mais c’est bien la même histoire que je raconte, la même école que je dépeins, celle qui par le bilinguisme offre à ses enfants une expérience unique : dire je, ne pas dire je, finalement peu importe tant qu’ils en ont le choix.